A l’âge de 18-20 ans, j’ai été trop proche de deux personnes mal intentionnées. Quand j’ai compris que nos intimités n’avaient pas de frontière, au delà de ce flou insupportable, mes paroles et ma sexualité, mis en pâture, je me suis senti profondément sali, et ce sans pouvoir m’extirper de cette situation parce que j’étais sous influence, que je ne l’ai remise bout à bout que trop tard et que j’étais presque un enfant, carencé, fragile, je n’avais pas le recul et la lucidité sur ce qui se passait. On a exploité ma jeunesse, on a utilisé mes talents de batteur, de musicien et ma pertinence artistique pour construire un petit empire, à travers ce groupe – et ses extensions – que beaucoup adulent, sacralisent, et que je répudie. Si les gens connaissaient l’histoire, la vraie – et pas seulement la mienne mais celle de tous ceux et celles qui ont souffert dans cet entourage – les acteurs, derrière tout ça, avec un minimum de compassion, ils/elles pourraient bien avoir la nausée, se sentir abusé(e)s à leur tour. Quiconque en connaît les tenants, aboutissants, et s’en accommode ou pire, continue à en tirer profit d’une manière ou d’une autre mérite un crachat. Pour ma part, à chaque fois que je suis en contact avec un(e) fan, je m’efforce de ne pas lui gâcher le plaisir, mais peu savent, et pour ceux qui en ont connaissance, peu pensent à moi qui ai souffert si fort, les gens préfèrent leurs souvenirs de concerts, de l’aura confortable du groupe et du respect qu’il inspirait à l’époque, encore aujourd’hui, ou leur plaisir à me voir frapper les fûts que de savoir où en était ma santé mentale pendant que je jouais défoncé comme un perdu et perdant pied avec la réalité.

J’ai une certitude et une satisfaction depuis que j’ai mis toute cette merde derrière moi une fois pour toute, c’est que je dois bien être le seul artiste de cette clique préhistorique. Celui qui s’est réinventé dans d’autres esthétiques, s’est renouvelé et s’est même redécouvert musicalement dans la composition, n’a pas créé un clone du groupe dans un autre endroit, avec d’autres personnes. Des fois je ris vraiment, sans fiel juste parce que je suis fier de mon parcours, et que la grossièreté de cette histoire est si absurde qu’elle me fait marrer encore, puisque j’ai acquis avec les années un bon recul sur le vice et les rapports utilitaristes qui jalonnaient cet entourage si minuscule et sectaire, un microcosme dans un milieu étendu pas beaucoup plus respectable.

Aujourd’hui j’ai une autoroute de fraîcheur créatrice devant moi et j’ai pitié de ceux et celles qui sont resté(e)s bloqué(e)s , même en y souffrant, dans cet univers consanguin qui cultive l’alcool et les mêmes blagues moisies depuis vingt ans voire plus. Je le dis d’expérience après avoir refait de courtes incursions dans cette sphère hautement supérieure en ayant un peu remonté la pente.

Dans ce milieu, tu pouvais de défoncer jusqu’à l’os, tant que tu restais du bon coté de la barrière, celle d’une relative sanité mentale, d’un contrôle, d’une excentricité tolérable, tout allait bien, mais des lors que tu sombrais dans ce que ce cosme avait finalement généré en toi, le coté obscur, la folie, la sortie de route et les vrais problèmes de santé mentale, le rapport à toi changeait du tout au tout. Il fallait y être encore utile pour y survivre.

A la grande époque, les dogmes de cette scène, régulés par ses petit(e)s gourou(e)s déguisés en pères/mères Noël, étaient immuables, on n’y transigeait pas sans conséquences, jamais très franches et directes, mais automatiques, et c’est vraiment drôle aussi de voir que certains, les mêmes clowns qui revendiquaient le végétarisme/véganisme, l’amour libre et un mode de vie authentiquement pauvre, l’imposaient vicieusement autour d’eux/elles – puissent remanger de la viande, avoir une vie de famille et un métier rentable. Pour moi tout ça n’était pas une erreur de jeunesse, j’ai gardé ma façon de vivre intacte, et je m’y sens bien même si cela implique de vivre dans une forme de dénuement social.

J’ai choisi de vivre seul, par réaction à la violence affective et physique subie, et ses conséquences sur ma vie et mes proches.

Mes petits plaisirs, mes grandes joies: ma musique, ma famille et les sourires, les mots échangés spontanément avec des inconnu(e)s et mon empathie devant le bonheur d’autrui, tout simplement. Je ne carbure pas à la lumière, aux ébats vulgaires et aux relations nombreuses mais factices.

Toujours droit, je crois, je n’ai jamais profité de ma position de mini- star de seconde zone pour arriver à mes fins, et je n’ai aucun problème à me sourire dans la glace.

Si être authentique est de ne pas chercher à l’être, juste vivre en accord avec ses convictions sans forcer ou même y réfléchir, alors peut être que je suis dans une forme de vérité, l’idée me plaît bien comme ça.


Raw

When I was 18-20 years old, I was too close to two people who had bad intentions. When I realized that our intimacy had no boundaries, beyond this unbearable blur, my words and my sexuality, exploited, I felt deeply sullied, and I couldn’t extricate myself from this situation because I was under control, only put it together too late and was almost a child, deficient, I didn’t have the perspective and clarity to understand what was going on. My youth was exploited, my talents as a drummer, musician, and my musical insight were used to build a small empire through this band -and its extensions- which many adore, sacralise and that I repudiate. Anyone who knows the ins and outs and is OK with it, or worse, continues to take benefit of it in one way or another, deserves a spit. If people knew the story, the real one – and not just mine, but that of all those who suffered in these surroundings – the actors behind it all, some with even a shred of compassion, would probably feel nauseous, abused themselves. For my part, whenever I am in contact with a fan, I try not to spoil their fun, but few know, and among those who do, few think about me, who suffered so hard. People prefer their memories of concerts, the comfortable aura of the band, and the reputation it had an still has, their pleasure in seeing me hit the drums, rather than knowing how far my mental health was while I was playing, completely wasted, and losing touch with reality.

Since I put all that shit behind me once and for all, I have one certainty and source of satisfaction: I must be the only artist in that prehistoric crew. I, who reinvented, in other aesthetics, renewed, and even rediscovered themself musically in composition, without creating a clone of the band in another place, with other people. Sometimes I laugh, without malice, just because I’m proud of my journey, and because the vulgarity of this story is so absurd that it makes me laugh again, since over years I’ve gained a bit of perspective on the vice and utilitarian relationships that marked this tiny, sectarian circle, a microcosm in a wider environement that wasn’t much more respectable.

Today, I have a highway of creative freshness ahead, and I pity those who have remained stuck, even suffuring it, in this inbred universe that cultivates alcohol, and the same stale jokes for twenty years or even more. I say this from experience, made a few brief forays back into this highly superior sphere after getting back on my feet a little.

In that environment, you could get completely wasted, as long as you stayed on the right side of the fence, that of relative mental sanity, control, tolerable eccentricity – everything was fine – But as soon as you fell into what the environment had initially created in you – the dark side, madness, going off the rails and getting into real mental health issues – people’s attitude towards you changed completely. You had to be useful to survive.

In the heyday, dogmas of this scene, regulated by its Santas / Mrs Claus-disguised little gurus, were unchanging, there was no compromise without corresponding -never frank and direct- penalty, and it’s really funny to see that some of the same clowns who preached vegetarism / veganism, free love, and authentically poor lifestyle, viciously imposed it on those around them—only to later eat meat again, have a regular family life, and a profitable job. For me, none of this was a youthful mistake. I have kept my way of life intact, and I feel good about it, even if it means living in a state of social deprivation.

I chose to live alone as a reaction to the affective and physical abuse I suffered and its consequences on my life and my loved ones.

My little pleasures, my great joys : my music, my family, smiles, spontaneous conversations with strangers, and simply seeing others happy. I’m not fueled by excessive light, vulgar intercourses, or numerous but superficial relationships.

Always honest, I believe, I never took advantage of my position as a two-bit mini-star to get my way, and I have no problem smiling at myself in the mirror.

If being authentic means not trying to be so, just living in accordance with your convictions without forcing or even thinking about it, then maybe I am living in a form of truth, and I quite like that idea.


Reworked

B.

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