L’idée derrière le nom de ce texte vient d’une réflexion sur le néant et l’absolu que je n’ai jamais réussi à mettre en cohérence.

J’ai été consommateur assez raisonnable d’hallucinogènes pendant une courte période de ma vie (2 ans environ) et pendant que tout le monde piquait du nez dans des états de fatigue et de défonce avancés, j’ai pour ma part été très éveillé, l’intellect très actif, très résistant au sommeil, on me confiait toujours la mission de ramener les fêtards à bon port et mon esprit dans ces conditions a été livré au calme et à la réflexion dans une autonomie souvent nocturne qui me suit encore aujourd’hui dans mon rapport à la musique et à autrui. Pour le dire simplement, j’adore travailler la nuit sans personne pour m’emmerder, et pour aller plus loin, je trouve bien plus de plaisir à travailler seul avec mes propres contraintes, sans dépendre d’un agenda, d’une disponibilité extérieure etc … Très sensible, j’ai souffert des fonctionnements de groupes, des tournées dans des conditions épuisantes, des ascenseurs émotionnels, relationnels, et j’ai trouvé l’équilibre qui me faisait défaut dans des constructions autonomes. Cela ne m’empêche pas de m’épanouir aussi dans des collaborations quand les délais ne sont pas interminables, le plus souvent avec une certaine distance géographique rendue possible par l’interconnexion des pays, des continents, et tellement riche en termes de musicalités à travers ceux-ci. Aussi, de me nourrir de toute la musique que j’écoute avec grande curiosité, d’être une personne avenante même si parfois maladroite, qui s’enrichit d’interactions avec les gens qu’elle aime, croise ou découvre avec plaisir, mais ma liberté, ce champ d’action qui passe par un certain renoncement social, qui pour être honnête découle en grande partie des limitations liées à ma santé mentale, prend le dessus sur toutes constructions que la plupart considèrent normales et naturelles ou dont ils/elles ont simplement besoin pour s’épanouir.

Je n’ai jamais eu l’appel de fonder une famille, la mienne, au-delà de mes proches, est juste au bout de mes baguettes, mes mailloches, mes instruments, mon rapport à ma créativité. Je n’ai rien sacrifié, comme je le disais j’ai renoncé progressivement et pragmatiquement à toutes les choses que la pression sociale, ce qu’un musicien est censé accomplir ou construire pour avoir « réussi » conventionnellement, ce que tout m’invitait à faire mais ne me correspondait finalement pas du tout. Je suis bien plus en paix avec moi dans la mesure où je m’entoure de personnes qui peuvent appréhender naturellement mon fonctionnement qui n’est pas si complexe, juste un peu différent et minimaliste dans ce qui me fait du bien.

Origine Ø donc, c’est un concept qui n’a peut être pas de sens. Pour les croyants, l’origine, c’est Dieu, un dieu, des dieux, pour d’autres le Big Bang, certains s’en désintéressent, d’autres y consacrent leur vie. On peut statuer sur le fait que tout a une source première, ou qu’un être humain par exemple est constitué de multitudes de marqueurs qui l’ont construit, ses idées ont été altérées par d’autres idées, celles des autres, ses lectures, les contextes sociaux, historiques qui ont façonné sa vie, celle de ses parents ou d’ascendants plus lointains et divers. Avec ceci en tête, l’idée d’origine Ø , l’absence, le néant qu’elle implique est absurde, mais dans ma conception, elle est toute autre.

Elle correspond à un basculement qui opère lorsque tout ce qui constitue un être qui pense vient créer la connexion entre deux idées. C’est ce basculement, qui est une somme presque infinie de dispositions, prédispositions, génétique, culture, vécu, inconscient, expériences, souffrances, joies, folie, propensions au conformisme ou à la fantaisie, pour ne nommer qu’eux. Un basculement à la fois infime et tellement chargé, à la fois si presque infiniment rapide et si plein en soi que j’ai envie de le nommer : Origine Ø , ce moment qui fait finalement perpétuellement des liens dans la construction de sa pensée et son rapport aux autres, à soi, à sa psychologie, à son corps. Origine Ø , cette étincelle perpétuellement renouvelée, comme un ADN instantané et mouvant, évoluant tout au long de notre vie, à chaque seconde puisque chaque pensée en induit une autre, que chaque interaction vient l’altérer, et qu’à l’échelle humaine, animale si on considère les autres animaux sensibles comme part notre sphère, la dose de ces interactions, ces altérations, tutoie l’infini sans vraiment mathématiquement pouvoir l’atteindre.

Origine Ø , c’est à l’échelle d’une vie un éternel recommencement. Ça n’a rien de mystique, et c’est ma façon, finalement, de relier le néant à l’absolu, puisqu’elle trouve naissance dans ce dernier, son entièreté constitutive, pour s’évanouir constamment dans l’autre en une fraction de seconde lorsque les pensées se meuvent, s’enchaînent, se renouvellent, mais dont elle reste le fil conducteur, discret, impalpable dans la fluidité de l’existence, de la pensée, et résonne toujours dans la suite qu’elle implique.

Origine Ø, c’est aussi ma façon de ne pas tenir compte, dans mon rapport aux gens et la façon dont je les considère, de leur origine sociale, culturelle, ethnique, puisque tous venons d’Afrique et que seuls les pigments de nos peaux différent, façonnés par l’intensité du soleil.

The idea behind the name of this text comes from a reflection on nothingness and the absolute that I have never been able to reconcile.

I was a fairly moderate user of hallucinogens for a short period of my life (about two years), and while everyone else was nodding off in states of advanced fatigue and stoneness, I was wide awake, my intellect very active, highly resistant to sleep. I was always entrusted with the task of bringing the partygoers back safely, and my mind in these conditions was given over to calm and reflection in an often nocturnal autonomy that still follows me today in my relationship with music and others. To put it simply, I love working at night with no one to bother me, and to go further, I find much more pleasure in working alone with my own constraints, without depending on a schedule, external availability, etc.
That doesn’t stop me from also thriving in collaborations when the deadlines aren’t endless, most often with a certain geographical distance made possible by the interconnection of countries and continents, and so rich in terms of musicality across them. Also, I ‘m nourished by all the music I listen to with great curiosity, and I’m an outgoing person – even if sometimes a tad awkward- who is enriched by interactions with the people I love, meet, or discover with pleasure. But my freedom, this scope of action that involves a certain social renunciation, which to be honest flaws from my mental health limitations for the most part, takes priority over all the constructs that most people consider normal and natural or that they simply need in order to flourish.

I never felt the call to start a family. My family, beyond my loved ones, is right in my drumsticks, my mallets, my instruments, my relationship with my creativity. I haven’t sacrificed anything. As I said, I have gradually and pragmatically given up all the things that social pressure, what a musician is supposed to accomplish or build in order to be conventionally “successful,” everything that everyone encouraged me to do but that ultimately didn’t suit me at all. I am much more at peace with myself now that I surround myself with people who naturally understand how I work, which is not that complex, just a little different and minimalist in what makes me feel good.

Origin Ø So, it’s a concept that may not make sense. For believers, the origin is God, a god, several gods; for others, it’s the Big Bang; some are not interested in it, while others devote their lives to it. We can decide that everything has a primary source, or that a human being, for example, is made up of a multitude of markers that have shaped them, their ideas have been altered by other ideas, those of others, their reading, the social and historical contexts that have shaped their life, that of their parents or more distant and diverse ancestors. With this in mind, the idea of origin Ø, the absence, the nothingness it implies, is absurd, but in my view, it is quite different.

It corresponds to a shift that occurs when everything that constitutes a thinking being creates a connection between two ideas. This shift is an almost infinite sum of dispositions, predispositions, genetics, culture, life experiences, unconscious, experiences, suffering, joy, madness, propensity for conformity or fantasy, to name but a few. A shift that is both tiny and so loaded, both so almost infinitely rapid and so full in itself that I like to name it: Origin Ø, that moment that ultimately perpetually creates links in the construction of one’s thoughts and one’s relationship to others, to oneself, to one’s psychology, to one’s body. Origine Ø , that perpetually renewed spark, like instantaneous and evolving DNA, changing throughout our lives, every second, since each thought leads to another, each interaction alters it, and on a human scale, or an animal scale if we consider other sentient animals as part of our sphere, the amount of these interactions, these alterations, approaches infinity without ever truly being able to reach it mathematically.

Origin Ø is, on the scale of a lifetime, an eternal renewal. There is nothing mystical about it, and it is finally my way of connecting nothingness to the absolute, since it finds its birth in the latter, its constitutive entirety, only to constantly disappear into the other in a fraction of a second when thoughts move, follow one another, and renew themselves, but of which it remains the guiding thread, discreet, intangible in the fluidity of existence and thought, and always resonating in the sequence it implies.

Origine Ø is also my way of disregarding, in my relationship with people and the way I view them, their social, cultural, and ethnic origins, since we all come from Africa and only the pigments of our skin differ, shaped by the intensity of the sun.

B.

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